L’inflation n’est pas le seul défi

Connor Morris - May 02, 2022
La guerre Russie-Ukraine, deux grands exportateurs, entraîne une flambée des prix des matières premières. Les hausses de taux sont aussi un fardeau pour les consommateurs et les emprunteurs, mais elles contribueront à réduire l’inflation à long terme

Statistique Canada a fait état d’une inflation plus élevée en février 2022. En février 2022, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 5,7 % par rapport à l’année précédente. Les prix des produits de base sont montés en flèche en raison du conflit actuel entre la Russie et l’Ukraine. Les deux pays sont de grands exportateurs de produits de base tels que le pétrole, l’aluminium, le nickel, le cuivre et le blé. Ils représentent respectivement 17 %, 10 %, 22 %, 9 % et 26 % de l’offre mondiale. Les marchés ont procédé à une réévaluation agressive de ces matières premières, comme le montre le tableau ci-dessous. Il est peu probable que l’approvisionnement soit rétabli de sitôt, car l’Ukraine est attaquée et la Russie est soumise à des sanctions. La mauvaise nouvelle est que ces produits de base sont consommés directement ou indirectement dans notre vie quotidienne; les hausses de prix ont donc un impact réel sur tout le monde. Les salariés ont profité d’une croissance des salaires en 2021 et en profiteront probablement encore en 2022. L’Enquête sur la population active de décembre, menée par Statistique Canada, a indiqué que les salaires moyens ont augmenté de 2,7 % sur 2021. Toutefois, ils n’ont pas suffi à compenser l’inflation. Les consommateurs ont pu surmonter l’inflation grâce à leur épargne « COVID-19 » et aux faibles coûts d’emprunt. Alors que l’inflation continue d’augmenter, que l’épargne s’épuise et que les coûts d’emprunt augmentent, la résistance des consommateurs à l’inflation sera mise à l’épreuve dans les mois à venir.

Matières premières                                           Variation du prix depuis le début de l'année ($ US)*
Pétrole (brut WTI)                  38 %
Aluminium (aluminium LME)                23 %
Nickel (nickel LME)                    60 %
Cuivre (cuivre LME)                    8 %
Blé (blé CBT SRW)              36 %

Source : Bloomberg Finance L.P.*, au 5 avril 2022.

Bien entendu, le panier de consommation de chacun est différent. Cependant, il est juste de supposer que la plupart d’entre nous paieront plus de 5 % de plus pour la nourriture, les services publics et l’essence cette année, et ce, si vous n’achetez pas une nouvelle voiture, de nouveaux vêtements ou des appareils électroniques. Comparés au fait de vivre une guerre dans votre pays, ces coûts supplémentaires sont plus que tolérables. Nous prévoyons que l’inflation ralentira pour atteindre des niveaux plus normaux en 2023. Les banques centrales, dont la Banque du Canada, sont en train de relever les taux d’intérêt. Bien qu’ils représentent un fardeau pour les consommateurs et les emprunteurs, ils devraient également réduire la consommation. Les attentes étaient fortes; les marchés s’attendaient à quatre hausses de taux de 25 points de base il y a quelques mois seulement et maintenant à 200 points de base. En outre, les prix des produits de base sont effectivement des prix futurs et reflètent déjà les difficultés d’approvisionnement attendues dans les mois à venir.

Comment l’inflation, la hausse des taux d’intérêt et le ralentissement potentiel de la consommation affectent-ils le paysage des investissements et le positionnement de nos portefeuilles? Ces dernières années, nous avons connu des marchés forts qui ont permis aux investisseurs de réaliser de solides gains. Nous avons mis en garde contre la probabilité et les conséquences d’une inflation élevée et contre les difficultés que présente l’investissement dans des titres à revenu fixe. Les actions canadiennes, représentées par l’indice composé S&P/TSX, ont enregistré des résultats positifs depuis le début de l’année. Notre homologue américain, l’indice S&P 500, a baissé de 4 %. Avec la guerre en Ukraine et la hausse des taux d’intérêt, les marchés boursiers ont étonnamment bien résisté. Notre exposition à l’énergie a généré de bons résultats cette année et a contribué à compenser une partie de la négativité du marché global. La hausse des taux d’intérêt a fait plus de dégâts aux investissements à revenu fixe. Même si la Banque du Canada n’a augmenté les taux qu’une seule fois jusqu’à présent, les marchés des titres à revenu fixe ont déjà été réévalués en fonction des prix futurs, qui incluent les hausses de taux à venir. Le graphique ci-dessous montre les rendements des obligations du gouvernement du Canada à cinq ans. Les marchés s’attendaient à ce que les taux à 5 ans à venir atteignent une moyenne de 1,29 % en décembre 2021. En comparaison, ce taux pourra atteindre 2,55 % le 5 avril 2022. Il est important de noter que les taux et les prix ont une relation inverse, ce qui signifie que les prix des obligations ont été nettement plus bas au cours de cette période. L’indice obligataire universel FTSE TMX a perdu plus de 7 % jusqu’à présent en 2022, d’où la sous-performance des actions. Nous nous attendons à cette correction et sous-pondérons donc nettement les obligations d’État dans nos portefeuilles depuis le quatrième trimestre de 2020.

Source : Bloomberg Finance, LP

La réévaluation agressive des titres à revenu fixe nous a rendus moins pessimistes. Nous nous attendons à ce que l’inflation se modère en 2023 et que les banques centrales soient moins agressives que ne le prévoient actuellement les marchés. Les hausses de taux vont sans doute réduire la consommation et la croissance économique, ainsi que l’inflation. Les banques centrales devront faire preuve de sensibilité et ne pas pousser les taux trop loin. C’est pourquoi nous achetons progressivement des titres à revenu fixe pour réduire notre sous-pondération. Dans le même temps, nous réduisons les capitaux propres, car nous prévoyons que le ralentissement de la croissance économique affectera les bénéfices des entreprises. Certains pays et secteurs s’en sortiront mieux. Nous restons haussiers et continuons à augmenter nos positions dans certains pays (Canada et marchés émergents) et secteurs (énergie, matériaux, finances, semi-conducteurs). Dans l’ensemble, nos portefeuilles seront plus équilibrés avec des convictions plus élevées au cours des 12 prochains mois, car nous anticipons de nouveaux défis et de nouvelles opportunités.